Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/276

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alors. Elle l’aima passionnément. Il n’y a pas de doute qu’elle l’idolâtrât. Il exerçait une si forte influence sur son affection par sa conduite rusée, qu’il en obtint de fortes sommes d’argent et l’amena à racheter à son frère sa part de la brasserie, que son père lui avait laissé par faiblesse, à un prix énorme, et en lui faisant prendre l’engagement, que lorsqu’il serait son mari, il gérerait de tout. Votre tuteur ne faisait pas partie, à cette époque, des conseils de miss Havisham, et elle était trop hautaine et trop éprise pour se laisser conseiller par quelqu’un. Ses parents étaient pauvres et intrigants, à l’exception de mon père. Il était assez pauvre, mais il n’était ni avide, ni jaloux, et c’était le seul qui fût indépendant parmi eux. Il l’avertit qu’elle faisait trop pour cet homme, et qu’elle se mettait trop complètement à sa merci. Elle saisit la première occasion qui se présenta d’ordonner à mon père de sortir de sa présence et de sa maison, et mon père ne l’a jamais revue depuis. »

À ce moment du récit de mon convive je me rappelai que miss Havisham avait dit : « Mathieu viendra me voir à la fin, quand je serai étendue morte sur cette table », et je demandai à Herbert si son père était réellement si fâché contre elle.

« Ce n’est pas cela, dit-il, mais elle l’a accusé, en présence de son prétendu, d’être désappointé d’avoir perdu tout espoir de faire ses affaires en la flattant ; et s’il y allait maintenant, cela paraîtrait vrai, à lui comme à elle. Revenons à ce prétendu pour en finir avec lui. Le jour du mariage fut fixé, les habits de noce achetés, le voyage qui devait suivre la noce projeté, les gens de la noce invités, le jour arriva, mais non pas le fiancé : il lui écrivit une lettre…

— Qu’elle reçut, m’écriai-je, au moment où elle