Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/290

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mes de bien manger, de bien boire, et de recevoir nombreuse compagnie à l’office. Ils accordaient une table très-généreusement servie à M. et Mrs  Pocket ; cependant il me parut toujours que l’endroit où il était de beaucoup préférable d’avoir sa pension était la cuisine ; en supposant toutefois le pensionnaire en état de se défendre, car moins d’une semaine après mon arrivée, une dame du voisinage, personnellement inconnue de la famille, écrivit pour dire qu’elle avait vu Millers battre le Baby. Ceci affligea grandement Mrs  Pocket, qui fondit en larmes à la réception de cette lettre, et s’écria qu’il était vraiment extraordinaire que les voisins ne pussent s’occuper de leurs affaires.

J’appris peu à peu, par Herbert particulièrement, que M. Pocket avait étudié à Harrow et à Cambridge, où il s’était distingué, et qu’ayant eu le bonheur d’épouser Mrs  Pocket à un âge peu avancé, il avait changé de voie et avait pris l’état de rémouleur universitaire. Après avoir repassé un certain nombre de lames émoussées, dont les possesseurs, lorsqu’ils étaient influents, lui promettaient toujours de l’aider dans son avancement, mais oubliaient toujours de le faire, quand une fois les lames avaient quitté la meule, il s’était fatigué de ce pauvre travail et était venu à Londres. Là, après avoir vu s’évanouir graduellement ses plus belles espérances, il avait, sous le prétexte de faire des lectures, appris à lire à diverses personnes qui n’avaient pas eu occasion de le faire ou qui l’avaient négligé ; puis il en avait refourbi plusieurs autres ; de plus, en raison de ses connaissances littéraires, il s’était chargé de compilations et de corrections bibliographiques ; et tout cela, ajouté à des ressources particulières, très-modérées, avait finir par maintenir la maison sur le pied où je la voyais.

M. et Mrs  Pocket avaient un pernicieux voisinage ;