Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout moment entre lui et le fantôme, en disant : Amen. Un homme peut avoir eu des malheurs et avoir été à l’église, dit Joe en baissant la voix et en prenant le ton de l’étonnement et de la persuasion, mais ce n’est pas une raison pour qu’on le pousse à bout dans un pareil moment. C’est-à-dire que si l’ombre du propre père de cet homme ne peut attirer son attention, qu’est-ce donc qui le pourra, monsieur ? Encore bien plus quand son affliction est malheureusement si légère, que le poids des plumes noires la chasse. Essayez de la fixer comme vous pourrez. »

À ce moment, l’air effrayé de Joe, qui paraissait aussi terrifié que s’il eût vu un fantôme, m’annonça qu’Herbert venait d’entrer dans la chambre. Je présentai donc Joe à Herbert, qui avança la main, mais Joe se recula et continua à tenir le nid d’oiseaux.

« Votre serviteur, monsieur, dit-il, j’espère que vous et Pip… »

Ici ses yeux tombèrent sur le groom qui déposait des rôties sur la table, et son regard semblait indiquer si clairement qu’il considérait ce jeune gentleman comme un membre de la famille, que je le regardai en fronçant les sourcils, ce qui l’embarrassa encore davantage.

« Je parle de vous deux, messieurs ; j’espère que vous vous portez bien, dans ce lieu renfermé ? Car l’endroit où nous sommes peut être une excellente auberge, selon les goûts et les opinions que l’on a à Londres, dit Joe confidentiellement ; mais quant à moi, je n’y garderais pas un cochon, surtout si je voulais l’engraisser sainement et le manger de bon appétit. »

Après avoir émis ce jugement flatteur sur les mérites de notre logement, et avoir montré incidemment sa tendance à m’appeler monsieur, Joe, invité à se mettre à table, chercha autour de la chambre un en-