Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/351

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agréable, me faisait trembler ; je crois même qu’elle ne prit aucune forme distincte, et qu’elle ne fut même pendant quelques minutes qu’un souvenir des terreurs de mon enfance.

La salle à manger du Cochon bleu était vide, je n’avais pas encore commandé mon dîner, et j’étais à peine assis quand le garçon me reconnut. Il s’excusa de son peu de mémoire et me demanda s’il fallait envoyer Boots chez M. Pumblechook.

« Non, dis-je, certainement non ! »

Le garçon, c’était lui qui avait apporté le Code de commerce le jour de mon contrat, parut surpris et profita de la première occasion qui se présenta pour placer à ma portée un vieil extrait crasseux d’un journal de la localité avec tant d’empressement que je le pris et lus ce paragraphe :

« Nos lecteurs n’apprendront pas sans intérêt, à propos de l’élévation récente et romanesque à la fortune d’un jeune ouvrier serrurier de nos environs (quel thème, disons-le en passant, pour la plume magique de notre compatriote Toby, le poëte de nos colonnes, bien qu’il ne soit pas encore universellement connu), que le premier patron du jeune homme, son compagnon et son ami, est un personnage très-respecté, qui n’est pas étranger au commerce des grains, et dont les magasins, éminemment commodes et confortables, sont situés à moins d’une centaine de milles de la Grande Rue. Ce n’est pas sans éprouver un certain plaisir personnel que nous le citons comme le Mentor de notre jeune Télémaque, car il est bon de savoir que notre ville a également produit le fondateur de la fortune de ce dernier. De la fortune de qui ? demanderont les sages aux sourcils contractés et les