Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

exemple, s’arrêtait immédiatement, comme cela devait être. Quand je le vis dans la chambre, il tenait cet expressif mouchoir de poche des deux mains et nous regardait. En rencontrant mon œil, il dit clairement, par une pause momentanée et silencieuse, tout en conservant son attitude : « En vérité ! C’est singulier ! » Puis il se servit de son mouchoir comme on doit s’en servir, avec un effet formidable.

Miss Havisham l’avait vu en même temps que moi. Comme tout le monde, elle avait peur de lui. Elle fit de violents efforts pour se remettre, et balbutia qu’il était aussi exact que toujours.

« Toujours exact, répéta-t-il en venant à moi ; comment ça va-t-il, Pip ? Vous ferai-je faire un tour, miss Havisham ? Ainsi donc, vous voilà ici, Pip ? »

Je lui dis depuis quand j’étais arrivé, et comment miss Havisham avait désiré que je vinsse voir Estelle. Ce à quoi il répliqua :

« Ah ! c’est une très-jolie personne ! »

Puis il poussa devant lui miss Havisham dans son fauteuil avec une de ses grosses mains, et mit l’autre dans la poche de son pantalon, comme si ladite poche était pleine de secrets.

« Eh ! Pip ! combien de fois aviez-vous déjà vu miss Estelle, dit-il en s’arrêtant.

— Combien !…

— Ah ! combien de fois ? Dix mille fois ?

— Oh ! non, pas aussi souvent.

— Deux fois ?

— Jaggers, interrompit miss Havisham, à mon grand soulagement, laissez donc mon Pip tranquille, et descendez dîner avec lui. »

Il s’exécuta, et nous descendîmes ensemble l’escalier. Pendant que nous nous rendions aux appartements sé-