Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/46

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plus d’un enseignement moral à en tirer pour la jeunesse. »

Je savais bien qu’il ne manquerait pas de tourner ses yeux vers moi en disant ces mots.

« As-tu écouté cela, toi ?… Puisses-tu en profiter », me dit ma sœur d’un ton sévère, en matière de parenthèse.

Joe me donna encore un peu de sauce.

« Les pourceaux, continua M. Wopsle de sa voix la plus grave, en me désignant avec sa fourchette, comme s’il eût prononcé mon nom de baptême, les pourceaux furent les compagnons de l’enfant prodigue. La gloutonnerie des pourceaux n’est-elle pas un exemple pour la jeunesse ? (Je pensais en moi-même que cela était très-bien pour lui qui avait loué le porc d’être aussi gras et aussi savoureux.) Ce qui est détestable chez un porc est bien plus détestable encore chez un garçon.

— Ou chez une fille, suggéra M. Hubble.

— Ou chez une fille, bien entendu, monsieur Hubble, répéta M. Wopsle, avec un peu d’impatience ; mais il n’y a pas de fille ici.

— Sans compter, dit M. Pumblechook, en s’adressant à moi, que tu as à rendre grâces de n’être pas né cochon de lait…

— Mais il l’était, monsieur ! s’écria ma sœur avec feu, il l’était autant qu’un enfant peut l’être. »

Joe me redonna encore de la sauce.

« Bien ! mais je veux parler d’un cochon à quatre pattes, dit M. Pumblechook. Si tu étais né comme cela, serais-tu ici maintenant ? Non, n’est-ce pas ?

— Si ce n’est sous cette forme, dit M. Wopsle en montrant le plat.

— Mais je ne parle pas de cette forme, monsieur, repartit M. Pumblechook, qui n’aimait pas qu’on l’in-