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CHAPITRE VI.


L’état de mon esprit, à l’égard du larcin dont j’avais été déchargé d’une manière si imprévue, ne me poussait pas à un aveu complet, mais j’espérais qu’il sortirait de là quelque chose de bon pour moi.

Je ne me souviens pas d’avoir ressenti le moindre remords de conscience en ce qui concernait Mrs  Joe, quand la crainte d’être découvert m’eut abandonné. Mais j’aimais Joe, sans autre raison, peut-être, dans les premiers temps, que parce que ce cher homme se laissait aimer de moi ; et, quant à lui, ma conscience ne se tranquillisa pas si facilement. Je sentais fort bien, (surtout quand je le vis occupé à chercher sa lime) que j’aurais dû lui dire toute la vérité. Cependant, je n’en fis rien, par la raison absurde que, si je le faisais, il me croirait plus coupable que je ne l’étais réellement. La crainte de perdre la confiance de Joe, et dès lors de m’asseoir dans le coin de la cheminée, le soir, sans oser lever les yeux sur mon compagnon, sur mon ami perdu pour toujours, tint ma langue clouée à mon palais. Je me figurais que si Joe savait tout, je ne le verrais plus le soir, au coin du feu, caressant ses beaux