Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

enseignant Joe, j’aurais affaire à un commençant, je lui dis :

« Oh ! mais, lis le reste, Joe.

— Le reste… Hein !… mon petit Pip ?… dit Joe en promenant lentement son regard sur l’ardoise, une… deux… trois… Eh bien, il y a trois J et trois O, ça fait trois Joe, Pip ! »

Je me penchai sur Joe, et en suivant avec mon doigt, je lui lus la lettre tout entière.

« C’est étonnant, dit Joe quand j’eus fini, tu es un fameux écolier.

— Comment épelles-tu Gargery, Joe ? lui demandai-je avec un petit air d’indulgence.

— Je ne l’épèle pas du tout, dit Joe.

— Mais en supposant que tu l’épèles ?

— Il ne faut pas le supposer, mon petit Pip, dit Joe, quoique j’aime énormément la lecture.

— Vraiment, Joe ?

— Énormément. Mon petit Pip, dit Joe, donne-moi un bon livre ou un bon journal, et mets-moi près d’un bon feu, et je ne demande pas mieux. Seigneur ! ajouta-t-il après s’être frotté les genoux durant un moment, quand on arrive à un J et à un O, on se dit comme cela, j’y suis enfin, un J et un O, ça fait Joe ; c’est une fameuse lecture tout de même ! »

Je conclus de là, qu’ainsi que la vapeur, l’éducation de Joe était encore en enfance. Je continuai à l’interroger :

« Es-tu jamais allé à l’école, quand tu étais petit comme moi ?

— Non, mon petit Pip.

— Pourquoi, Joe ?

— Parce que, mon petit Pip, dit Joe en prenant le poker, et se livrant à son occupation habituelle quand