Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pumblechook s’il connaissait quelqu’un qui pût lui convenir, et l’oncle Pumblechook, qui pense à nous sans cesse, quoique tu croies peut-être tout le contraire, Joseph, ajouta-t-elle d’un ton de profond reproche, comme si Joe eût été le plus endurci des neveux, n’a-t-il pas bien pu parler de ce garçon, de cette mauvaise tête-là ? Je déclare solennellement que moi, je ne l’aurais pas fait !

— Très-bien ! s’écria l’oncle Pumblechook, voilà qui est parfaitement clair et précis, très-bien ! très-bien ! Maintenant, Joseph, tu sais tout.

— Non, Joseph, reprit ma sœur, toujours d’un ton de reproche, tandis que Joe passait et repassait le revers de sa main sous son nez, tu ne sais pas encore tout, quoi que tu en puisses penser, et quoi que tu puisses croire que tu le sais ; mais il n’en est rien, car tu ne sais pas que l’oncle Pumblechook, prenant à cœur tout ce qui nous concerne, et voyant que l’entrée de ce garçon chez miss Havisham, était un premier pas vers la fortune, m’a offert de l’emmener ce soir même dans sa voiture ; de le garder la nuit chez lui ; et de le présenter lui-même à miss Havisham demain matin. Eh ! mon Dieu, qu’est-ce donc que je fais là ? s’écria ma sœur tout à coup, en rejetant son chapeau par un mouvement de désespoir, je reste là à causer avec des imbéciles, des bêtes brutes, pendant que l’oncle Pumblechook attend ; que la jument s’enrhume à la porte ; et que ce mauvais sujet-là est encore tout couvert de crotte et de saletés, depuis le bout des cheveux jusqu’à la semelle de ses souliers ! »

Sur ce, elle fondit sur moi comme un aigle sur un agneau ; elle me saisit la tête, me la plongea à plusieurs reprises dans un baquet plein d’eau, me savonna, m’essuya, me bourra, m’égratigna, et me ratissa jus-