Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’était vraiment fantastique à contempler à la lumière. Étant resté au bas de l’escalier, je sentais l’air renfermé de la salle du festin, sans pouvoir voir miss Havisham ouvrir la porte, et je l’entendais marcher là, puis retourner à sa chambre, et revenir dans la première pièce sans jamais cesser son petit cri. Un moment après, j’essayai dans l’obscurité de sortir ou de retourner sur mes pas, mais je ne pus faire ni l’un ni l’autre, jusqu’à ce que quelques rayons de lumière pénétrant à l’intérieur me permissent de voir où je posais les mains. Pendant tout le temps que je mis à descendre l’escalier, j’entendais ses pas, je voyais la lumière passer au-dessus, et j’entendais sans cesse son petit cri.

Avant notre départ, le lendemain, il ne fut plus question du différend qui s’était élevé entre elle et Estelle, et il n’en fut plus jamais question dans aucune autre occasion. Il y eut cependant quatre occasions semblables, si je m’en souviens bien. Je n’ai jamais non plus remarqué le moindre changement dans les manières de miss Havisham vis-à-vis d’Estelle, si ce n’est qu’il y avait quelque chose comme de la crainte mêlée à sa tendresse emportée.

Il m’est impossible de tourner cette première page de ma vie, sans y mettre le nom de Bentley Drummle ; sans cela, c’est avec joie que je n’en parlerais pas.

En une certaine occasion, le club des Pinsons était réuni en grand nombre ; les bons sentiments roulaient comme de coutume, c’est-à-dire que personne ne s’accordait ; le pinson-président rappelait le Bocage à l’ordre. Drummle n’avait pas encore porté de toast à une dame, ainsi que le voulait la constitution de la société, et c’était le tour de cette brute ce jour-là. Il m’avait semblé le voir me narguer de son vilain rire, pendant que les carafes circulaient ; comme il n’y avait