Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/109

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— Vous savez qu’il n’a d’autre recommandation que son argent et une ridicule lignée d’ancêtres insignifiants, n’est-ce pas ?

— Eh bien ? » dit-elle encore.

Et chaque fois qu’elle disait ce mot, elle ouvrait ses jolis yeux plus grands.

Afin de vaincre la difficulté et de me débarrasser de ce monosyllabe, je m’en emparai et dis avec chaleur :

« Eh bien ! cela me rend malheureux. »

En ce moment, si j’avais pu croire qu’elle favorisât Drummle avec l’idée de me rendre malheureux, moi, j’aurais eu le cœur moins navré ; mais, selon sa manière habituelle, elle me mit si entièrement hors de la question, que je ne pouvais rien croire de la sorte.

« Pip, dit Estelle en promenant ses yeux autour de la chambre, ne vous effrayez pas de cet effet sur vous, cela peut avoir le même effet sur d’autres, et peut-être faut-il que ce soit ainsi, cela ne vaut pas la peine de discuter.

— Oui, dis-je, parce que je ne peux pas supporter qu’on dise : Elle répand ses grâces et ses charmes sur un rustre, le plus vil de tous.

— Je puis bien le supporter, moi, dit Estelle.

— Oh ! ne soyez pas si fière, Estelle et si inflexible.

— Il m’appelle fière et inflexible, dit Estelle en ouvrant ses mains, et il me reproche de m’abaisser pour un rustre !

— Sans doute vous le faites ! dis-je un peu vivement ; car je vous ai vue lui adresser des regards et des sourires, ce soir même, comme jamais vous ne m’en adressez à moi.

— Voulez-vous donc, dit Estelle, en se tournant tout à coup avec un regard fixe et sérieux, sinon fâché, que je vous trompe et que je vous tende des pièges !