Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/114

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vre, et son cercle de lumière était très-restreint, de sorte que l’homme qui montait l’escalier ne fit qu’y apparaître un moment et rentrer aussitôt dans l’obscurité. Mais ce moment m’avait suffi pour voir un visage qui m’était étranger, et qui me regardait d’un air satisfait et heureux de me voir.

Changeant la lampe de place à mesure que l’homme avançait, je vis qu’il était chaudement, mais grossièrement vêtu, comme quelqu’un qui a l’habitude de voyager sur mer ; qu’il avait de longs cheveux gris, qu’il pouvait avoir environ soixante ans, que c’était un homme robuste et solide sur ses jambes, et qu’il était bruni et endurci par les injures du temps. Lorsqu’il arriva à l’avant-dernière marche, et que la lumière de ma lampe nous éclaira tous les deux, je vis avec une sorte d’étonnement stupide qu’il me tendait ses deux mains.

« Que voulez-vous, je vous prie ? lui demandai-je.

— Ce que je veux, reprit-il. Ah ! oui… je vais vous le dire, si vous le permettez.

— Voulez-vous entrer ?…

— Oui, répondit-il ; je désire entrer, monsieur. »

Je lui avais fait cette question d’une façon peu hospitalière, car j’étais encore sous l’impression de la joie et de la satisfaction qui brillaient sur son visage lorsqu’il m’avait reconnu, et je m’imaginais que cela semblait impliquer qu’il s’attendait à m’y voir répondre. Je le conduisis dans la chambre que je venais de quitter, et, ayant posé la lampe sur la table, je lui demandai le plus poliment possible de vouloir bien s’expliquer.

Il regarda autour de lui d’un air vraiment étrange, d’un air de plaisir extrême, comme s’il avait quelque raison de s’intéresser aux choses qu’il admirait ; puis il ôta son chapeau et un pardessus d’étoffe grossière. Alors, je vis que sa tête était chauve et ridée, et que ses