Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souvent je l’envoyais au coin de Hyde Park pour voir quelle heure il était.

Quand nous eûmes fini de dîner, les pieds posés sur les chenets, je lui dis :

« Mon cher Herbert, j’ai quelque chose de très-particulier à vous communiquer.

— Mon cher Haendel, répondit-il, j’écouterai avec attention et déférence ce que vous voudrez bien me confier.

— Cela me concerne, Herbert, dis-je, ainsi qu’une autre personne. »

Herbert se croisa les pieds, regarda le feu, la tête penchée de côté, et, l’ayant vainement regardé pendant un moment, il me regarda de nouveau, parce que je ne continuais pas.

« Herbert, dis-je en mettant ma main sur son genou, j’aime… j’adore Estelle. »

Au lieu d’être abasourdi, Herbert répliqua comme si de rien n’était :

« C’est juste ! Eh bien ?

— Eh bien ! Herbert, est-ce là tout ce que vous me dites : Eh bien ?

— Après ? voulais-je dire, fit Herbert ; il va sans dire que je sais cela.

— Comment savez-vous cela ? dis-je.

— Comment je le sais, Haendel ?… Mais par vous.

— Je ne vous l’ai jamais dit.

— Vous ne me l’avez jamais dit ?… Vous ne m’avez jamais dit non plus quand vous vous êtes fait couper les cheveux, mais j’ai eu assez d’intelligence pour m’en apercevoir. Vous l’avez toujours adorée, depuis que je vous connais. Vous êtes arrivé ici avec votre adoration et votre portemanteau ! Jamais dit !… mais vous ne m’avez dit que cela du matin au soir. En me racontant votre propre histoire, vous m’avez dit clairement que