Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/151

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et les rues étaient désertes quand je rentrai dans le Temple. Personne n’était sorti par la porte en même temps que nous. Personne ne rentra par la porte en même temps que moi. En passant près de la fontaine, je vis les fenêtres de derrière éclairées ; elles paraissaient brillantes et calmes, et en restant quelques moments sous la porte de la maison où je demeurais, avant de monter, je pus remarquer que la cour du Jardin était aussi tranquille et silencieuse que l’escalier, quand je le montai.

Herbert me reçut les bras ouverts, et jamais je n’avais encore senti si complètement la douceur d’avoir un ami. Après qu’il m’eût adressé quelques paroles de sympathie et d’encouragement, nous nous assîmes pour examiner la situation et voir ce qu’il fallait faire.

La chaise que Provis avait occupée était encore à la place où elle avait été pendant toute la soirée ; car il avait une manière à lui de s’emparer d’un endroit, de s’y établir en remuant sans cesse, et en se mouvant par le même cercle de petits mouvements habituels, avec sa pipe, son tabac tête de nègre, son coutelas, son paquet de cartes et je ne sais quoi encore, comme si tout cela était inscrit d’avance sur une ardoise. Sa chaise était, dis-je, restée où il l’avait laissée. Herbert la prit sans y faire attention ; mais un instant après, il la quitta brusquement, la mit de côté et en prit une autre. Il n’est pas besoin de dire après cela, qu’il avait conçu une aversion profonde pour mon protecteur, et je n’eus pas besoin non plus d’avouer la mienne. Nous échangeâmes cette confidence sans proférer une seule syllabe.

« Eh ! bien, dis-je à Herbert, quand je le vis établi sur une autre chaise, que faut-il faire ?

— Mon pauvre cher Haendel, répondit-il en se te-