Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/16

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grand point, et, comme il arrive souvent en pareil cas, je le dis en ayant l’air de faire avec répugnance une concession à la vérité et à la justice, et comme si j’avais réprimé le besoin de le nier !

« Je crois bien que c’est un grand point, dit Herbert, et je crois aussi que vous seriez bien embarrassé d’en trouver un plus grand. Du reste, vous devez attendre le bon plaisir de votre tuteur comme il doit attendre le bon plaisir de ses clients. Vous aurez vingt et un ans avant de savoir où vous en êtes ; peut-être alors recevrez-vous quelque nouvel éclaircissement. Dans tous les cas, vous serez plus près de le recevoir, car il faut bien que cela vienne à la fin.

— Quel charmant caractère vous avez, dis-je en admirant avec reconnaissance l’entrain de ses manières.

— Ce doit être, dit Herbert, car je n’ai guère que cela. Je dois reconnaître que le bon sens de ce que je viens de dire n’est pas de moi, mais de mon père. La seule remarque que je lui ai jamais entendu faire sur votre situation, c’est cette conclusion : « La chose est faite et arrangée, ou sans cela M. Jaggers ne s’en mêlerait pas. » Et maintenant, avant d’en dire davantage sur mon père, ou le fils de mon père, et de vous rendre confidence pour confidence, j’éprouve le besoin de me rendre sérieusement désagréable à vos yeux, positivement repoussant.

— Vous n’y réussirez pas, dis-je.

— Oh ! si ! dit-il. Une… deux… trois… et je commence, Haendel, mon bon ami… »

Quoi qu’il parlât d’un ton fort léger, il était très-ému.

« J’ai pensé, depuis que nous causons ici, les pieds sur les barreaux de la grille, que votre mariage avec Estelle ne peut être assurément une condition de votre