Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/219

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ne saviez pas qu’il était là, assis derrière vous comme un fantôme. »

Mon premier frisson me reprit, mais j’étais résolu à ne pas parler encore, car j’étais tout à fait convaincu, d’après les paroles de Wopsle, qu’il devait avoir été choisi pour m’amener à parler de ce qui concernait Provis. J’étais, bien entendu, parfaitement assuré que Provis n’était pas là.

« Je vois que je vous étonne, monsieur Pip, je le vois bien ; mais c’est bien étrange. Vous aurez peine à croire ce que je vais vous dire ; je pourrais à peine le croire moi-même, si vous me le disiez.

— Vraiment ! dis-je.

— Non, vraiment, monsieur Pip. Vous vous souvenez d’un certain jour de Noël, alors que vous n’étiez encore qu’un enfant ; je dînais chez Gargery, et des soldats vinrent frapper à la porte pour faire réparer une paire de menottes.

— Je m’en souviens très-bien.

— Et vous vous souvenez qu’ils poursuivaient deux forçats ; que nous y allâmes avec eux ; que Gargery vous portait sur son dos, et que je me mis à la tête, et que vous vous teniez aussi près de moi que possible ?

— Je me souviens très-bien de tout cela. »

Mieux qu’il ne le croit, pensai-je, excepté de ce dernier détail.

« Et vous vous souvenez que nous les trouvâmes tous les deux dans un fossé, et qu’ils se battaient, et que l’un avait été rudement frappé et blessé au visage par l’autre ?

— Je les vois encore.

— Et que les soldats allumèrent des torches et mirent les deux forçats au milieu d’eux, et que nous avons