Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/22

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CHAPITRE II[1].


À notre arrivée en Danemark[2], nous trouvâmes le roi et la reine de ce pays dans deux fauteuils élevés sur une table de cuisine, et tenant leur cour. Toute la noblesse danoise était là ; elle se composait d’un jeune gentilhomme enfoui dans des bottes en peau de chamois, qu’il avait probablement héritées d’un ancêtre géant ; d’un vénérable pair à figure sale, qui paraissait n’être sorti des rangs du peuple que dans un âge très-avancé ; et d’une personne avec un peigne dans les cheveux, les deux jambes recouvertes de soie blanche, et présentant une apparence toute féminine. Mon éminent compatriote, M. Wopsle, chargé du rôle d’Hamlet, se tenait sournoisement à part, les bras croisés, et j’aurais pu désirer que ses boucles de cheveux et son front eussent été plus vraisemblables.

  1. Ce chapitre est, comme on le verra, consacré au récit d’une représentation d’Hamlet sur un théâtre de trente-sixième ordre. Le chef-d’œuvre de Shakespeare est trop généralement connu en France pour que les excentricités de cette représentation aient besoin de commentaires. Nous dirons seulement que les représentations de Shakespeare sur des théâtres borgnes son en effet un des côtés caractéristiques de la liberté des théâtres en Angleterre, et ce sont justement elles qui donnent la mesure de l’immense popularité de cette grande illustration nationale.
  2. C’est-à-dire au théâtre, la scène se passant en Danemark.