Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/232

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ses mains était égratigné, et l’on se demandait si cela avait été fait avec les ongles. Alors M. Jaggers démontra qu’elle avait passé au milieu d’une très-grande quantité d’épines, qui n’étaient pas aussi hautes que sa tête, mais qu’elle ne pouvait les avoir traversées sans qu’elles eussent déchiré ses mains, et l’on trouva des parcelles de ces épines dans sa peau, et l’on s’en servit comme de preuves, aussi bien que du fait que les épines en question, après examen, avaient été trouvées brisées pour avoir été traversées, et qu’elles avaient conservé, çà et là quelques lambeaux de vêtements et des petites tâches de sang ; mais le point le plus hardi qu’il présenta fut celui-ci. On avait essayé d’établir comme preuve de sa jalousie, qu’elle était fortement soupçonnée d’avoir, vers cette même époque, et pour se venger de son amant, fait périr l’enfant qu’elle avait eu de lui, enfant âgé de trois ans. Voici de quelle manière M. Jaggers s’en tira : « Nous disons que ce ne sont pas là des marques d’ongles, mais des marques d’épines, et nous vous montrons les épines. Vous dites que ce sont des marques d’ongles, et vous avancez l’hypothèse qu’elle a fait périr son enfant. Vous devez accepter toutes les conséquences de cette hypothèse. D’après ce que nous en savons, elle peut avoir fait périr son enfant, et l’enfant, en saisissant ses mains, peut les avoir égratignées. Eh bien ! alors, pourquoi ne la jugez-vous pas pour le meurtre de son enfant ? Quant aux égratignures, si vous y tenez, nous disons que, d’après ce que nous savons, vous pouvez vous en rendre compte, prenant pour sûreté de votre argument que vous ne l’avez pas inventé. » Pour conclure, monsieur dit Wemmick, M. Jaggers était à lui seul beaucoup plus fort que tous les jurés ensemble, et ils se laissèrent convaincre.