Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/26

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jusqu’au moment où il renversa le Roi de dessus la table de cuisine et qu’il fut mort à force de se tenir les pieds en l’air.

Nous avions fait au commencement quelques timides efforts pour applaudir M. Wopsle, mais avec trop d’insuccès pour persister. Nous étions donc restés tranquilles, tout en souffrant pour lui, mais riant tout bas, néanmoins, de l’un à l’autre. Je riais tout le temps, malgré moi, tant cela était comique, et pourtant j’avais une espèce d’impression qu’il y avait quelque chose de positivement beau dans l’élocution de M. Wopsle : non pas que j’en aie peur à cause de mes anciennes relations, mais parce qu’elle était très-lente, terrible, montante et descendante, et qu’elle ne ressemblait en aucune manière à la façon dont un homme, dans les circonstances naturelles de la vie ou de la mort, s’est jamais exprimé sur quoi que ce soit. Quand la tragédie fut finie, et qu’on eût rappelé et hué notre ami, je dis à Herbert :

« Partons sur-le-champ de peur de le rencontrer. »

Nous descendîmes en toute hâte, mais pas assez vite cependant. À la porte se trouvait une espèce de juif, avec des sourcils extrêmement épais et crasseux. Il m’aperçut comme nous avancions, et me dit quand nous passâmes à côté de lui :

« M. Pip et son ami ?

L’identité de M. Pip et de son ami ayant été avouée, il continua :

« M. Waldengarver, serait bien aise d’avoir l’honneur…

— Waldengarver ? » répétai-je.

Immédiatement Herbert me dit à l’oreille :

« C’est Wopsle, sans doute.

— Oh ! bien, dis-je, faut-il vous suivre ?