Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/303

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plus de linge sale et de cartons sous les lits que je n’aurais cru la famille capable d’en posséder ; mais nous nous considérâmes cependant comme bien partagés, car il nous eût été impossible de trouver un lieu plus solitaire.

Tandis que nous nous réconfortions près du feu, après notre repas, le garde, qui se tenait blotti dans un coin et qui avait une énorme paire de souliers qu’il avait exhibée pendant que nous mangions notre omelette au lard, relique intéressant qu’il avait prise il y a quelques jours aux pieds d’un matelot noyé, me demanda si j’avais vu une galiote de douanier à quatre rames remonter avec la marée ? Quand je lui eus répondu que non, il me dit :

« Ils doivent alors être descendus, et pourtant ils ont pris par en haut en quittant d’ici ; mais ils auront réfléchi que cela valait mieux, pour une raison ou pour une autre, et ils seront descendus.

— Une galiote à quatre rames, avez-vous dit ? demandai-je.

— Oui, monsieur, et il y avait dedans deux hommes assis qui ne ramaient pas.

— Sont-ils descendus à terre, et sont-ils venus ici ?

— Ils sont venus ici avec une cruche en grès de deux gallons, pour chercher de la bière. J’aurais bien voulu empoisonner la bière, dit le garde, ou y mettre quelque drogue.

— Pourquoi ?

— Je sais bien pourquoi, dit le garde. Il y en avait un qui parlait d’une voix sourde, comme s’il avait de la vase dans le gosier.

— Il croit, dit l’hôtelier, homme peu méditatif, à l’œil pâle et qui semblait compter sur son garde, il pense qu’ils étaient ce qu’ils n’étaient pas.