Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/311

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geait la galiote m’ayant fait le même récit de leur chute dans l’eau.

Je demandai à l’officier la permission de changer les vêtements mouillés du prisonnier contre d’autres habits que je pourrais acheter dans l’auberge ; il me l’accorda aussitôt, observant seulement qu’il devait saisir tout ce que le prisonnier avait sur lui. Ainsi le portefeuille que j’avais eu quelque temps dans les mains passa dans celles de l’officier. Celui-ci me donna plus tard la permission d’accompagner le prisonnier à Londres, mais il refusa cette même grâce à mes deux amis.

On désigna au garde de l’auberge du Vaisseau l’endroit où l’homme noyé avait disparu, et il entreprit de rechercher le corps aux places où il avait le plus de chance de venir au bord. Son intérêt dans cette recherche me parut s’accroître considérablement quand il apprit que le noyé avait des bas aux pieds. Il aurait probablement fallu une douzaine de noyés pour le vêtir complètement, et ce devait être la raison pour laquelle les différents objets qui composaient son costume étaient à divers degrés de délabrement.

Nous demeurâmes à la taverne jusqu’à la marée montante, et alors on porta Magwitch dans la galiote. Herbert et Startop devaient regagner Londres par terre le plus tôt qu’ils pourraient. Notre séparation fut on ne peut plus triste, et quand je pris place à côté de Magwitch, je sentis que c’était là ma place pendant tout le temps qui lui restait à vivre.

La répugnance que j’avais éprouvée pour lui avait tout à fait disparu ; et dans l’être poursuivi, blessé et enchaîné qui tenait ma main dans la sienne, je ne voyais plus qu’un homme qui avait voulu être mon bienfaiteur, et qui avait été affectueux, reconnaissant et généreux envers moi, avec une grande constance, pen-