Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/58

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facture de Cobb ou de Lobb, ou de Nobb, selon la circonstance.

« Alors, Herbert, évaluez à peu près à quelle somme elle peut monter ; prenez un chiffre rond et portez-le sur votre liste.

— Quel garçon de ressource vous faites, mon ami, répondait-il avec admiration. Réellement, vous avez des dispositions remarquables pour les affaires. »

C’est ce que je pensais, et en ces occasions j’étais très-convaincu que je méritais la réputation d’un homme d’affaires de première force : prompt, décisif, énergique, précis, et de sang-froid. Quand j’avais porté toutes mes dettes sur ma liste, je pointais et numérotais les factures. Chaque fois que j’inscrivais un numéro, j’éprouvais une véritable sensation de plaisir. Quand je n’avais plus rien à numéroter, je pliais toutes mes factures d’une manière uniforme, j’inscrivais le montant sur le dos de chacune d’elles et les liais en un seul paquet symétrique ; puis je faisais la même opération pour les comptes d’Herbert, qui convenait modestement qu’il n’avait pas mon génie administratif, et qui sentait que j’avais apporté quelque lumière dans ses affaires.

Mon système avait encore un autre côté brillant : c’était ce que j’appelais « laisser une marge. » Supposons, par exemple, que les dettes d’Herbert se montassent à cent soixante-quatre livres quatre shillings et deux pence, je disais :

« Laissez une marge, et portez-les à deux cents livres. »

Ou, supposons que les miennes montassent à quatre fois autant, je laissais une marge et je les portais à sept cents livres. J’avais la plus haute opinion de la sagesse de cette marge. Mais je suis forcé de convenir,