Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/66

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Quand ils furent tout partis, et quand Trabb et ses hommes, mais non son garçon, eurent serré l’appareil de leurs momeries dans des sacs, et qu’ils furent partis aussi, la maison me parut plus saine. Bientôt après, Biddy, Joe et moi, nous nous assîmes devant un dîner froid ; mais nous dînâmes dans le salon, et non dans la vieille cuisine, et Joe était si excessivement attentif à ce qu’il faisait avec son couteau, sa fourchette et la salière et tout le reste, qu’il y avait une grande gêne entre nous. Mais après dîner, quand je lui eus fait prendre sa pipe pour aller flâner avec lui dans la forge, et que nous nous fûmes assis ensemble sur le grand bloc de pierre dans la rue, tout alla mieux. J’avais remarqué qu’après l’enterrement Joe avait changé ses habits, de manière à établir un compromis entre ses vêtements du dimanche et ceux de tous les jours : il avait ainsi l’air plus naturel et paraissait réellement l’homme qu’il était.

Il fut enchanté de la prière que je lui fis de me faire coucher dans mon ancienne petite chambre, et moi je fus enchanté aussi, car je crus avoir fait quelque chose de grand en présentant cette requête. Quand les ombres de la nuit furent venues, je saisis une occasion d’entraîner Biddy dans le jardin, pour avoir avec elle une petite conversation.

« Biddy, dis-je, je pense que tu aurais bien pu m’écrire quelques mots sur ces tristes choses.

— Pensez-vous, monsieur Pip ? dit Biddy. J’aurais écrit, si j’y avais pensé.

— Ne crois pas que j’ai l’intention d’être dur, quand je dis que je crois que tu aurais dû y avoir pensé.

— Croyez-vous, monsieur Pip ? »

Elle était si calme et il y avait un air si gentil, si