Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/90

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à côté de l’autre, et comme j’étais, moi, dans un coin obscur, j’observai une extension longue et graduelle de la bouche de M. Wemmick, en même temps que son bras se glissait lentement et graduellement autour de la taille de miss Skiffins. Avec le temps, je vis paraître sa main de l’autre côté de miss Skiffins ; mais, à ce moment, miss Skiffins l’arrêta doucement avec son gant vert, ôta son bras, comme si c’eût été une partie de son propre vêtement, et, avec le plus grand sang-froid, le déposa sur la table devant elle. Le calme de miss Skiffins, pendant cette opération, était un des spectacles les plus remarquables que j’eusse encore vus, et on aurait presque pu croire qu’elle le faisait machinalement.

Bientôt je vis le bras de Wemmick qui recommençait à disparaître, et graduellement je le perdis de vue. Un peu après, sa bouche commença à s’élargir de nouveau. Après un intervalle d’incertitude qui, pour moi du moins, fut tout à fait fatigant et presque pénible, je vis sa main paraître de l’autre côté de miss Skiffins. Aussitôt miss Skiffins l’arrêta avec le calme d’un placide boxeur, ôta cette ceinture ou ceste, comme la première fois, et la posa sur la table. Supposant que la table était l’image du sentier de la vertu, je dois déclarer que, pendant tout le temps que dura la lecture du vieux, le bras de Wemmick s’éloigna continuellement de ce sentier, et y fut non moins continuellement ramené par miss Skiffins.

À la fin, le vieillard tomba dans un léger assoupissement. Ce fut le moment pour Wemmick de produire une petite bouilloire, un plateau et des verres, ainsi qu’une bouteille noire à bouchon de porcelaine, représentant quelque dignitaire clérical, à l’aspect rubicond et gaillard. À l’aide de tous ces ustensiles, nous eûmes