Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/105

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rions cru certain de l’immortalité dont nous sommes privé actuellement, si nous avions pu mettre sous les yeux de nos ardents lecteurs le plus faible compte rendu de ces discours. Comme à l’ordinaire, M. Snodgrass prit une grande quantité de notes, et sans doute nous y aurions puisé les renseignements les plus importants, si l’éloquence brûlante des orateurs ou l’influence fébrile du vin n’avait point fait trembler la main du gentleman, au point de rendre son écriture presque inintelligible et son style complétement obscur. À force de patience, nous sommes parvenu à reconnaître quelques caractères qui ont une faible ressemblance avec les noms des orateurs. Nous avons pu distinguer aussi le squelette d’une chanson (probablement chantée par M. Jingle), dans laquelle les mots vin et divin, rubis et ravis, sont répétés à de courts intervalles. Nous nous imaginons aussi pouvoir déchiffrer à la fin de ces notes quelques allusions à des restes de gigot ou de volaille braisée. Puis ensuite nous distinguons les mots de grog froid et d’ale ; mais comme les hypothèses que nous pourrions bâtir sur ces indices n’auraient jamais d’autre fondement que nos conjectures, nous ne voulons nous permettre d’exprimer aucune des suppositions nombreuses qui se présentent à notre esprit.

C’est pourquoi nous allons retourner à M. Tupman, nous contentant d’ajouter que, peu de minutes avant minuit, les sommités réunies de Dingley-Dell et de Muggleton furent entendues, chantant avec enthousiasme cet air si poétique et si national :

Nous ne rentrerons que demain matin,
Nous n’irons coucher qu’au jour !
Nous ne rentrerons que demain matin,
Demain matin au point du jour,
Nous n’irons coucher qu’au jour[1] !




  1. Refrain d’une chanson bachique.