Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/137

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monsieur, excusez-moi : Je serai heureux de recevoir vos avis en particulier, comme amicus curiæ : mais vous devez voir l’inconvenance de votre intervention en ce moment, surtout par un argument ad captandum, tel que l’offre d’une demi-guinée. Réellement, mon cher monsieur, réellement… et le petit homme prit un air profond et une prise de tabac argumentative.

— Mon seul désir, monsieur, répondit M. Pickwick, était d’amener à fin, aussi vite que possible, cette désagréable affaire.

— Très-bien, très-bien, dit le petit homme.

— C’est pourquoi, continua M. Pickwick, j’ai fait usage de l’argument que mon expérience des hommes m’a fait reconnaître comme le meilleur dans tous les cas.

— Oui, oui, dit le petit homme : très-bon ! très-bon ! c’est vrai. Mais vous auriez dû me suggérer cela à moi. Vous savez, j’en suis sûr, quelle confiance sans bornes on doit placer dans son homme d’affaires. S’il était besoin d’une autorité à ce sujet, permettez-moi, mon cher monsieur, de vous référer à un cas bien connu dans Barnwell…

— Ne vous alambiquez pas de George Barnevelt, interrompit Sam, qui était resté fort étonné de ce dialogue. Tout le monde connaît son histoire, et, voyez-vous, j’ai toujours imaginé que la jeune femme méritait beaucoup mieux que lui d’être pendue[1] Mais c’est égal ; ça n’a rien à voir ici. Vous voulez que j’accepte une demi-guinée. Très-bien, ça me va ; je ne puis pas parler mieux que ça. Pas vrai, monsieur ? (M. Pickwick sourit.) Alors il ne s’agit plus que de savoir ce que diable vous me voulez, comme dit c’t autre quand il vit le revenant.

— Nous voulons savoir… dit M. Wardle.

— Eh ! mon cher monsieur ! mon cher monsieur ! interrompit le petit homme à l’air affairé. »

M. Wardle leva les épaules, et se tut.

« Nous voulons savoir, reprit solennellement le petit homme, et nous vous adressons cette question pour ne pas éveiller d’inutiles appréhensions dans l’auberge ; nous voulons savoir ce qui s’y trouve actuellement.

— Qu’est-ce qu’il y a dans la maison ? Il y a une paire de bottes hongroises, au no 13, répondit Sam, dans l’esprit duquel les logeurs étaient représentés par la partie de leur costume qui se trouvait sous sa direction immédiate. Il y a une jambe de bois au no 6 ; deux paires de demi-bottes dans la salle du

  1. Allusion à une cause célèbre.