Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/210

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— Beau, dit l’homme grave. Si simple !

— Sublime !

— La strophe suivante est plus touchante encore. Voulez-vous que je la répète ?

— S’il vous plaît.

— La voici, continua l’homme grave, d’un ton encore plus grave.

Dis-moi si des démons avec leur voix hurlante,
Sous la figure de gamins,
Loin des marais t’auraient chassée, errante,
Avec des chiens,
Grenouille expirante !


— Joliment exprimé, dit M. Pickwick.

— C’est un diamant, monsieur. Mais vous entendrez Mme Chasselion vous réciter cette ode. Elle seule peut la faire valoir. Demain matin, monsieur, elle la récitera en costume.

— En costume !

— Sous la figure de Minerve… Mais j’oubliais… c’est un déjeuner costumé.

— Eh ! mais, eh mais ! s’écria M. Pickwick, en jetant un coup d’œil sur sa personne : Je ne puis vraiment pas me travestir.

— Pourquoi pas, monsieur ? pourquoi pas ? Salomon Lucas, le juif, dans la grande rue, a mille habillements de fantaisie. Voyez, monsieur, combien de caractères convenables vous pouvez choisir : Platon, Zénon, Épicure, Pythagore, tous fondateurs de clubs.

— Je le sais bien, mais comme je ne puis me comparer à ces grands hommes, je ne saurais me permettre de porter leur habit. »

L’homme grave médita profondément, pendant quelques minutes, et dit ensuite.

« En y réfléchissant, monsieur, je ne sais pas si Mme Chasselion ne sera pas charmée de faire voir à ses hôtes une personne de votre célébrité, dans le costume qui lui est habituel, plutôt que sous une enveloppe étrangère. Je crois pouvoir prendre sur moi de vous promettre, au nom de mistress Chasselion, qu’elle fera une exception en votre faveur. Oui, monsieur, je suis tout à fait certain que je puis me le permettre.

— En ce cas, répondit M. Pickwick, j’aurai grand plaisir à me rendre à votre invitation.

— Mais je vous fais perdre votre temps, monsieur, dit sou-