Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/254

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jour ou l’autre. À quoi pense donc notre lâche contemporain ? Que dirait-il, ce malheureux, si, méprisant comme lui les convenances de la société, nous levions le rideau qui, heureusement pour lui, dérobe les turpitudes de sa vie privée au ridicule public, pour ne pas dire à l’exécration publique ? Que dirait-il si nous indiquions, si nous commentions des circonstances notoires et aperçues par tout le monde, excepté par notre aveugle contemporain ? Que dirait-il, si nous imprimions l’effusion suivante, que nous avons reçue au moment de mettre sous presse et qui nous est adressée par un de nos concitoyens de cette ville, l’un de nos plus spirituels correspondants ?…


VERS ADRESSÉS À UN POT DE CUIVRE.

xxxxxxxxxxxxxxxx Ô pot, si vous aviez prévu,
Ce qui de tout le monde est maintenant connu,
Quand les cloches pour vous dans l’église ont fait tinkle ;
Vous auriez fait alors ce qui ne se peut plus,
Et, donnant à madame un bel et bon refus,
xxxxxxxxxxxxxxxx Vous l’auriez envoyée à W…


— Eh bien ! dit M. Pott avec solennité ; eh bien ! scélérat ! qu’est-ce qui rime avec tinkle ?

— Ce qui rime avec tinkle ? interrompit mistress Pott, qui entrait dans la chambre en ce moment et qui n’avait entendu que les derniers mots, ce qui rime avec tinkle ? c’est Winkle, j’imagine. »

En prononçant ces paroles, mistress Pott sourit gracieusement au Pickwickien agité, en lui tendant la main. Dans sa confusion l’honnête jeune homme allait serrer cette main, lorsque M. Pott indigné se jeta entre eux deux.

« Arrière, madame ! arrière ! s’écria-t-il. Prendre sa main à mon nez, à ma barbe !

— Monsieur Pott ! fit son épouse étonnée.

— Misérable femme ! regardez ici ! regardez ici, madame ! Vers adressés à un Pot… C’est moi, madame ! Vous l’auriez renvoyée à Winkle… C’est vous, madame, vous ! » Avec cette ébullition de rage, accompagnée cependant d’une sorte de tremblement, occasionné par l’expression du visage de sa femme, M. Pott lança à ses pieds le numéro de l’Indépendant.

« Eh bien, monsieur ? dit mistress Pott en se baissant, tout étonnée, pour ramasser le journal ; eh bien, monsieur ? »

M. Pott fléchit sous le regard méprisant de sa femme. Il fit