Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/271

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— C’est l’endroit où nous devons déjeuner. De par Jupiter ! le gamin y est déjà avec son panier. Exact comme une horloge !

— Je le vois, dit M. Pickwick, dont le visage devint rayonnant. Un bon garçon ! je lui donnerai un shilling pour sa peine. Allons ! Sam, roulez-moi.

— Tenez-vous ferme, monsieur, répliqua Sam, ravigoté par l’apparition du déjeuner. Gare de là, jeune cuirassier ! Si vous appréciez ma précieuse vie, ne me versez pas, comme dit le gentleman au charretier qui le conduisait à la potence. » Avec cette heureuse citation, Sam partit au pas de charge, brouetta habilement son maître jusqu’au sommet du coteau vert, et le déchargea, avec adresse, à côté du panier de provision, qu’il se mit à dépaqueter sans perdre une minute.

— Pâté de veau, disait Sam, tout en arrangeant les comestibles sur le gazon. Très-bonne chose, le pâté de veau, quand vous connaissez la lady qui l’a fait et que vous êtes sûr que ce n’est pas du minet. Et après tout, qu’est-ce que ça fait encore, puisqu’il ressemble si bien au veau que les pâtissiers eux-mêmes n’en font pas la différence ?

— Ils n’en font pas la différence, Sam ?

— Non, monsieur, repartit Sam en touchant son chapeau. J’ai logé dans la même maison avec un vendeur de pâtés, une fois, et un homme bien agréable, monsieur, et pas bête du tout. Il savait faire des pâtés, n’importe avec quoi. Voilà que je lui dis, quand j’ai été amical avec lui : Quel troupeau de chats que vous avez-là ! monsieur Brook. — Ah ! dit-il, c’est vrai, j’en ai beaucoup, qu’il dit. — Faut que vous aimiez bien les chats, que je dis. — Oui, dit-il, en clignant de l’œil, y a des gens qui les aiment. Malgré ça, qu’il me dit, c’est pas encore leur saison, faut attendre l’hiver. — C’est pas leur saison ? — Non, dit-il. Quand le fruit mûrit, le chat maigrit. — Qu’est-ce que vous me chantez-là ? J’y entends rien, que je dis. — Voyez-vous, dit-il, je ne veux pas entrer dans la coalition des bouchers pour augmenter la viande au pauvre monde. Mossieu Weller, qu’il me dit, en me serrant la main gentiment et en me soufflant dans l’oreille ; mossieu Weller, qu’il me dit, ne répétez pas ça ; mais c’est l’assaisonnement qui fait tout : ils sont tous faits avec ces nobles animaux ici, dit-il, en m’indiquant un joli petit minet. Et je les assaisonne en beefteak, en veau, en rognon, au goût de la pratique. Et mieux que ça, qu’il dit, je peux faire du beefteak avec du veau ou du rognon avec du beefteak, ou du mouton avec les