Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/37

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duite inexplicable du docteur Slammer. Ce monsieur, en s’approchant de M. Winkle, tressaillit, ouvrit de grands yeux, recula, frotta ses paupières, ouvrit de nouveau ses yeux, autant qu’il lui fut possible, et finalement s’écria : « Arrêtez ! arrêtez !

— Qu’est-ce que cela veut dire ? continua-t-il lorsque son ami et M. Snodgrass arrivèrent en courant. Ce n’est pas là mon homme.

— Ce n’est pas votre homme ! s’écria le second du docteur Slammer.

— Ce n’est pas son homme ! dit M. Snodgrass.

— Ce n’est pas son homme ! répéta le monsieur qui tenait le pliant dans sa main.

— Certainement non, reprit le petit docteur. Ça n’est pas la personne qui m’a insulté la nuit passée.

— Fort extraordinaire ! dit l’officier.

— Fort extraordinaire ! répéta le gentleman au pliant. Mais maintenant, ajouta-t-il, voici la question. Le monsieur se trouvant actuellement sur le terrain, ne doit-il pas être considéré, pour la forme, comme étant l’individu qui a insulté hier soir notre ami, le docteur Slammer ? » Ayant suggéré cette idée nouvelle d’un air sage et mystérieux, l’homme au pliant prit une énorme pincée de tabac, et regarda autour de lui, avec la profondeur de quelqu’un qui est habitué à faire autorité.

Or, M. Winkle avait ouvert ses yeux et ses oreilles aussi, quand il avait entendu son adversaire demander une cessation d’hostilités. S’apercevant par ce qui avait été dit ensuite qu’il y avait quelque erreur de personnes, il comprit tout d’un coup combien sa réputation pouvait s’accroître s’il cachait les motifs réels qui l’avaient déterminé à se battre. Il s’avança donc hardiment et dit :

« Je sais bien que je ne suis pas l’adversaire de monsieur.

— Alors, dit l’homme au pliant, ceci est un affront pour le docteur Slammer, et un motif suffisant de continuer.

— Tenez-vous tranquille, Payne, interrompit le second du docteur ; et s’adressant à M. Winkle : Pourquoi ne m’avez-vous pas communiqué cela ce matin, monsieur ?

— Assurément ! assurément ! s’écria avec indignation l’homme au pliant.

— Je vous supplie de vous tenir tranquille, Payne, reprit l’autre. Puis-je répéter ma question, monsieur ?