Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/393

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monter Mme Weller, et changeant aussitôt d’intention, il lui dit brusquement bonsoir.

Le lendemain, Sam se leva de bonne heure. Ayant déjeuné à la hâte, il s’apprêta à retourner à Londres, et il sortait de la maison, lorsque son père se présenta devant lui.

— Tu pars, Sam ?

— Tout de gô.

— Je voudrais bien te voir museler ce Stiggins, et l’emmener avec toi.

— Vraiment ? répondit Sam d’un ton de reproche ; je rougis de vous avoir pour auteur, vieux capon. Pourquoi lui laissez-vous montrer son nez cramoisi chez le Marquis de Granby ? »

M. Weller attacha sur son fils un regard sérieux, et répondit :

« Parce que je suis un homme marié, Sammy, parce que je suis un homme marié. Quand tu seras marié, Sammy, tu comprendras bien des choses que tu ne comprends pas maintenant. Mais ça vaut-il la peine de passer tant de vilains quarts d’heure pour apprendre si peu de chose, comme disait cet écolier quand il a-t-été arrivé à savoir son alphabet, voilà la question ? C’est une affaire de goût. Mais, pour ma part, je suis très-disposé à répondre : Non !

— Dans tous les cas, dit Sam, adieu.

— Bonjour, Sammy, bonjour.

— Je n’ai plus qu’un mot à vous dire, reprit Sam en s’arrêtant court : Si j’étais le propriétaire du Marquis de Granby, et si cet animal de Stiggins venait faire des rôties dans mon comptoir, je le…

— Que ferais-tu ? interrompit M. Weller avec grande anxiété, que ferais-tu ?

— J’empoisonnerais son grog.

— Bah ! s’écria Weller en donnant à son fils une poignée de main reconnaissante, tu ferais cela réellement, Sammy ? tu ferais cela ?

— Parole ! Je ne voudrais pas me montrer trop cruel envers lui tout d’abord. Je commencerais par le plonger dans la fontaine, et je remettrais le couvercle pour l’empêcher de s’enrhumer ; mais si je voyais qu’il n’y avait pas moyen d’en venir à bout par la douceur, j’emploierais une autre méthode de persuasion. »

M. Weller aîné lança à son fils un regard d’admiration inexprimable, et, lui ayant de nouveau serré la main, s’éloigna len-