Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/422

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sieur, murmura le sacristain en faisant un effort pour se mouvoir.

— Nous quitter ! s’écria le goblin, Gabriel Grub, nous quitter ! oh ! oh ! oh ! »

Tandis que le goblin riait, le sacristain vit une lumière brillante illuminer les fenêtres de la vieille église. Au bout d’un moment, cette lumière s’éteignit ; les orgues modulèrent un air guilleret, et des volées de lutins, en tout semblables au premier, s’abattirent dans le cimetière et commencèrent à jouer à saute-mouton sur les pierres des tombeaux, les franchissant l’une après l’autre, avec une dextérité merveilleuse, et sans s’arrêter un seul instant pour prendre haleine. Mais le premier goblin était le sauteur le plus étonnant de tous, et pas un des nouveaux venus ne pouvait en approcher. Malgré son extrême frayeur, le sacristain ne pouvait s’empêcher de remarquer que les autres goblins se contentaient de sauter par-dessus les pierres ordinaires, mais que le premier faisait passer entre ses jambes, grilles, cyprès et caveaux de famille, avec autant d’aisance que s’il avait eu affaire à de simples bornes.

À la fin l’intérêt du jeu devint intense. L’orgue jouait de plus en plus vite ; les goblins sautaient de plus en plus fort, se tordant, se roulant, faisant mille culbutes, en bondissant comme des ballons, par-dessus les tombeaux. Les jambes de Gabriel se dérobaient sous lui, la tête lui tournait rien que de voir le tourbillon de lutins qui passaient devant ses yeux ; lorsque tout à coup le roi des goblins, se précipitant sur le pauvre homme, le saisit par le collet et s’enfonça avec lui dans les entrailles de la terre.

Quand Gabriel put respirer, après une descente rapide, il se trouva dans une vaste caverne, entouré de toutes parts d’une multitude de goblins horribles et grimaçants. Dans le milieu de la pièce, sur un trône élevé, était fantastiquement assis son ami du cimetière, et Gabriel Grub lui-même était placé auprès de lui, mais incapable de faire aucun mouvement.

« Il fait froid, cette nuit, dit le roi des lutins. Donnez-nous quelque chose de chaud. »

Une demi-douzaine d’officieux goblins, ayant un perpétuel sourire sur les lèvres, et que Gabriel reconnut à cela pour des courtisans, disparurent d’un air empressé et revinrent un instant après, avec un verre de feu liquide, qu’ils présentèrent au roi.

« Ah ! dit le goblin dont les joues et la gorge étaient deve-