Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/58

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gentleman. Joe ! Que le diable emporte ce garçon ! Il est encore à dormir ! Joe ! abaissez le marchepied. »

Le gros joufflu se laissa lentement glisser à bas du siége, abaissa le marchepied, et, d’une manière engageante, ouvrit la portière du carrosse. M. Snodgrass et M. Winkle arrivèrent dans ce moment.

« Il y a de la place pour vous tous, messieurs, reprit le propriétaire de la voiture. Deux dedans, un dehors. Joe, faites de la place sur le siége pour l’un de ces messieurs. Maintenant, monsieur, montez. » Et le vieux gentleman, étendant le bras, hissa de vive force dans la calèche, d’abord M. Pickwick, ensuite M. Snodgrass. M. Winkle monta sur le siége ; le gros joufflu se percha près de lui et se rendormit instantanément.

« Je suis charmé de vous voir, messieurs, poursuivit le gentleman, je vous connais très-bien, messieurs, quoique vous ne vous souveniez peut-être pas de moi. J’ai passé plusieurs soirées dans votre club, l’hiver dernier. Ce matin j’ai rencontré ici mon ami, M. Tupman, et j’ai été enchanté de le voir. Hé bien ! monsieur, comment ça va-t-il ? Vous avez l’air tout à fait bien portant, mais là, très-bien portant ! »

M. Pickwick, à qui ces dernières paroles étaient adressées, rétorqua le compliment, et donna une vigoureuse poignée de mains au vieux gentleman.

« Eh bien ! monsieur, comment ça va-t-il ? continua celui-ci en regardant M. Snodgrass avec une sollicitude paternelle. À merveille, n’est-ce pas ? Ah ! tant mieux, tant mieux ! Et comment cela va-t-il, monsieur Winkle ? Bien ? J’en suis charmé. Mes filles, messieurs. Et voilà ma sœur Rachel Wardle : c’est une demoiselle, sans que cela paraisse. N’est-ce pas, monsieur ? N’est-ce pas ? ajouta-t-il en riant à gorge déployée, et en insérant plaisamment son coude entre les côtes de M. Pickwick.

— Mon Dieu ! frère… dit miss Wardle, avec un sourire suppliant.

— Vrai, vrai, reprit le vieux gentleman, personne ne peut le nier, messieurs, je vous présente mon ami, M. Trundle. Et maintenant que vous vous connaissez tous, tâchons d’être confortables et heureux, et voyons ce qui se passe. Voilà mon opinion. » Ayant ainsi parlé, il mit ses lunettes, tandis que M. Pickwick tirait son télescope ; et chacun se tint debout dans la voiture pour regarder les évolutions des militaires.

C’étaient des manœuvres étonnantes. Un rang tirait par-dessus la tête d’un autre rang et se précipitait aussitôt en