Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« En voilà assez sur ce sujet : je voulais vous parler d’autre chose. Vous m’avez invité hier soir à vous lire une anecdote, et vous l’avez écoutée attentivement…

— Oui certainement, dit M. Pickwick, et je pensais…

— Je ne vous ai pas demandé votre opinion, interrompit l’homme lugubre, et je n’en ai pas besoin. Vous voyagez pour vous amuser et pour vous instruire ; supposez que je vous adresse un manuscrit curieux… Faites attention ; — non pas improbable ni extraordinaire, mais curieux comme une page du roman de la vie réelle ; — le communiqueriez-vous au club dont vous m’avez parlé si souvent ?

— Certainement, si vous le désirez ; et nous le ferons insérer dans les mémoires du club.

— Vous l’aurez donc, répliqua l’homme lugubre. Votre adresse ? »

M. Pickwick lui ayant communiqué son itinéraire probable, l’homme lugubre le nota soigneusement dans un portefeuille assez gros, ramena le savant gentleman à son hôtel, et refusant le déjeuner qu’il lui offrait, s’éloigna d’un pas lent et sombre.

Les trois compagnons de M. Pickwick l’attendaient pour attaquer le déjeuner qui était déjà disposé sur la table d’une façon fort séduisante. Ils s’assirent avec lui, et le jambon grillé, les œufs, le café, le thé et le reste, commencèrent à disparaître avec une rapidité qui témoignait, à la fois, en faveur de la bonne chère et de l’appétit des voyageurs.

« Maintenant, dit M. Pickwick, il s’agit de savoir comment nous irons à Manoir-ferme.

— Nous ferions peut-être bien de consulter le garçon, suggéra M. Tupman ; et ce judicieux conseil ayant été accueilli comme il le méritait, le garçon fut appelé et consulté.

— Dingley-dell, monsieur ? Quinze milles, monsieur ; chemin de traverse, mauvaise route… Une chaise de poste, monsieur ?

— Une chaise de poste ne tient que deux, répondit M. Pickwick.

— C’est vrai, monsieur, cependant je vous demande pardon, monsieur : nous avons une très-jolie chaise à quatre roues : deux places au fond, un siége pour le gentleman qui conduit… Oh ! je vous demande pardon, monsieur, elle ne peut tenir que trois.

— Comment donc ferons-nous ? dit M. Snodgrass.

— Peut-être qu’un de ces messieurs aimerait à faire la