Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/106

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Auprès des portes et dans les recoins, divers groupes de jeunes gens, étalant toutes les variétés du dandyisme et de la stupidité, amusaient les gens raisonnables par leur folie et leur prétention, tout en se croyant, heureusement, les objets de l’admiration générale. Sage et prévoyante dispensation de la Providence, qu’un esprit charitable ne saurait assez louer.

Sur les bancs de derrière, où elles avaient déjà pris leur position pour la soirée, étaient assises certaines ladies non mariées, qui avaient passé leur grande année climatérique, et qui, ne dansant pas, parce qu’elles n’avaient point de partenaires, ne jouant pas, de peur d’être regardées comme irrévocablement vieilles filles, étaient dans la situation favorable de pouvoir dire du mal de tout le monde, sans qu’il retombât sur elles-mêmes. Tout le monde, en effet, se trouvait-là. C’était une scène de gaieté, de luxe et de toilettes, de glaces magnifiques, de parquets blanchis à la craie, de girandoles, de bougies, et sur tous les plans du tableau, glissant de place en place, avec une souplesse silencieuse, saluant obséquieusement telle société, faisant un signe familier à telle autre, et souriant complaisamment à toutes, se faisait remarquer la personne tirée à quatre épingles, d’Angelo-Cyrus Bantam esquire, le maître des cérémonies.

« Arrêtez-vous dans la salle du thé. Prenez-en pour vos 6 pence. Ils distribuent de l’eau chaude et appellent cela du thé. Buvez, » dit tout haut M. Dowler à M. Pickwick, qui s’avançait en tête de leur société, donnant le bras à Mme  Dowler. M. Pickwick tourna donc vers la salle du thé, et M. Bantam, en l’apercevant, se glissa à travers la foule, et le salua avec extase.

« Mon cher monsieur, je suis prodigieusement honoré… Ba-ath est favorisé… Madame Dowler, vous embellissez cette salle. Je vous félicite vos plumes re-marquables !

— Y a-t-il quelqu’un ici ? demanda M. Dowler d’un air dédaigneux.

— Quelqu’un ? l’élite de Ba-ath ! Monsieur Pickwick, voyez vous cette dame en turban de gaze ?

— Cette grosse vieille dame ? demanda M. Pickwick innocemment.

— Chut ! mon cher monsieur, chut ! Personne n’est gros ni vieux, dans Ba-ath. C’est la lady douairière Snuphanuph.[1]

  1. Prise assez.