Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/121

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Or, mistress Craddock avait, à la fin, entendu les voix et les coups de marteau. Elle avait pris tout juste le temps de mettre sur sa tête quelque chose de plus élégant que son bonnet de nuit, était descendue au parloir pour s’assurer que c’était bien mistress Dowler, et venait précisément de lever le châssis de la fenêtre, lorsqu’elle aperçut M. Winkle qui s’élançait vers la chaise. À ce spectacle elle se mit à pousser des cris affreux, suppliant M. Dowler de se lever sur-le-champ, pour empêcher sa femme de s’enfuir avec un autre gentleman.

À ces cris, à ce terrible avertissement, M. Dowler bondit hors de son lit, aussi vivement qu’une balle élastique, et, se précipitant dans la chambre de devant, arriva à une des fenêtres comme M. Pickwick ouvrait l’autre. Le premier objet qui frappa leurs regards fut M. Winkle entrant dans la chaise à porteurs.

« Watchman, s’écria Dowler d’un ton féroce, arrêtez-le, empoignez-le, enchaînez-le, enfermez-le, jusqu’à ce que j’arrive ! Je veux lui couper la gorge ! donnez-moi un couteau ! De l’une à l’autre oreille, mistress Craddock ! Je veux lui couper la gorge ! « Tout en hurlant ces menaces, l’époux indigné s’arracha des mains de l’hôtesse et de M. Pickwick, saisit un petit couteau de dessert, et s’élança dans la rue.

Mais M. Winkle ne l’attendit pas. À peine avait-il entendu l’horrible menace du valeureux Dowler, qu’il se précipita hors de la chaise, aussi vite qu’il s’y était introduit, et, jetant ses pantoufles dans la rue, pour mieux prendre ses jambes à son cou, fit le tour de la demi-lune, chaudement poursuivi par Dowler et par le watchman. Néanmoins il avait conservé son avantage quand il revint devant la maison. La porte était ouverte, il la franchit, la cingla au nez de Dowler, monta dans sa chambre à coucher, ferma la porte, empila par derrière un coffre, une table, un lavabo, et s’occupa à faire un paquet de ses effets les plus indispensables, afin de s’enfuir aux premiers rayons du jour.

Cependant Dowler tempêtait de l’autre côté de la porte du malheureux Winkle, et lui déclarait, à travers le trou de la serrure, son intention irrévocable de lui couper la gorge, le lendemain matin. À la fin, après un grand tumulte de voix, parmi lesquelles on entendait distinctement celle de M. Pickwick qui s’efforçait de rétablir la paix, les habitants de la maison se dispersèrent dans leurs chambres à coucher respectives, et la tranquillité fut momentanément rétablie.