Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/136

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CHAPITRE IX.

Comment M. Winkle, voulant sortir de la poêle à frire, se jeta tranquillement et confortablement dans le feu.

L’infortuné gentleman, cause innocente du tumulte qui avait alarmé les habitants du Royal-Crescent, dans les circonstances ci-devant décrites, après avoir passé une nuit pleine de trouble et d’anxiété, quitta le toit sous lequel ses amis dormaient encore, sans savoir où il dirigerait ses pas. On ne saurait jamais apprécier trop hautement, ni trop chaudement louer les sentiments réfléchis et philanthropiques qui déterminèrent M. Winkle à adopter cette conduite. « Si ce Dowler, raisonnait-il en lui-même, si ce Dowler essaye (comme je n’en doute pas) d’exécuter ses menaces, je serai obligé de l’appeler sur le terrain. Il a une femme ; cette femme lui est attachée et a besoin de lui. Ciel ! si j’allais l’immoler à mon aveugle rage, quels seraient ensuite mes remords ! » Cette réflexion pénible affectait si puissamment l’excellent jeune homme que ses joues pâlissaient, que ses genoux s’entre-choquaient. Déterminé par ces motifs, il saisit son sac de nuit, et descendant l’escalier à pas de loups, ferma avec le moins de bruit possible, la détestable porte de la rue, et s’éloigna rapidement. Il trouva à l’Hôtel royal une voiture sur le point de partir pour Bristol. « Autant vaut, pensa-t-il, autant vaut Bristol que tout autre endroit ! » Il monta donc sur l’impériale, et atteignit le lieu de sa destination en aussi peu de temps qu’on pouvait raisonnablement l’espérer de deux chevaux obligés de franchir quatre fois par jour la distance qui sépare les deux villes.

M. Winkle établit ses quartiers à l’hôtel du Buisson. Il était résolu à s’abstenir de toute communication épistolaire avec M. Pickwick jusqu’à ce que la frénésie de M. Dowler eût eu le temps de s’évaporer, et trouva que dans ces circonstances il n’avait rien de mieux à faire que de visiter la ville. Il sortit donc et fut, tout d’abord, frappé de ce fait qu’il n’avait jamais vu d’endroit aussi sale. Ayant inspecté les docks ainsi que le port, et admiré la cathédrale, il demanda le chemin de