Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/151

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talité, que de traiter avec légèreté les affections de sa jeune amie. Je ne le permettrais pas, monsieur ; je ne le permettrais pas.

— Je n’ai certainement pas cette idée-là, s’écria chaleureusement M. Winkle. J’ai réfléchi pendant longtemps, et je sens que mon bonheur est tout entier en elle.

— Voilà ce que j’appelle mettre tous ses œufs dans le même panier, » interrompit Sam avec un agréable sourire.

M. Winkle prit un air sérieux à cette observation, et M. Pickwick irrité engagea son serviteur à ne pas badiner avec un des meilleurs sentiments de notre nature.

« Certainement, monsieur, répondit Sam, mais il y en a tant de ces meilleurs-là, que je ne m’y reconnais jamais, quand on m’en parle. »

Cet incident terminé, M. Winkle raconta ce qui s’était passé entre lui et M. Ben Allen, relativement à Arabella. Il dit que son but actuel était d’avoir une entrevue avec la jeune personne, et de lui faire un aveu formel de sa passion. Enfin il déclara que le lieu de sa détention lui paraissait être quelque part aux environs des Dunes, ce qui semblait résulter de certaines insinuations obscures dudit Ben Allen ; mais c’était tout ce qu’il avait pu apprendre ou soupçonner.

Malgré l’inanité de ces renseignements il fut décidé que Sam partirait le lendemain, pour une expédition de découverte. Il fut convenu aussi que M. Pickwick et M. Winkle, qui avaient moins de confiance dans leur habileté, se promèneraient pendant ce temps dans la ville et entreraient par hasard, chez M. Bob Sawyer, dans l’espérance d’apprendre quelque chose sur la jeune lady.

En conséquence, Sam se mit en quête le lendemain matin, sans être aucunement découragé par les difficultés qui l’attendaient. Il marcha de rue en rue, nous allions presque dire de coteau en coteau, mais c’est toute montée jusqu’à Clifton. Durant tout ce temps il ne vit rien, il ne rencontra personne qui pût jeter la moindre lumière sur son entreprise. Il eut de nombreux colloques avec des grooms qui faisaient prendre l’air à des chevaux sur la route, avec des nourrices qui faisaient prendre l’air à des enfants sur le pas de la porte : mais il ne put rien tirer ni des uns ni des autres qui eût le rapport le plus éloigné avec l’objet de son habile enquête. Il y avait dans force maisons, force jeunes ladies, dont le plus grand nombre étaient violemment soupçonnées par les domestiques mâles ou femelles