Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/169

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fermez vos yeux solidement, monsieur ! Je le jetterais volontiers par la fenêtre ; seulement il ne tomberait pas assez loin, à cause du plomb.

— Sam ! s’écria M. Pickwick d’une voix mécontente, pendant que son domestique faisait diverses démonstrations d’hostilités, si vous dites une autre parole, si vous causez le moindre trouble à cette personne, je vous renvoie sur-le-champ.

— Mais, monsieur…

— Taisez-vous et ramassez ce chapeau. »

Malgré la sévère réprimande de son maître, Sam refusa positivement de relever le chapeau ; et comme l’officier du shérif était pressé, il condescendit à le ramasser lui-même. Ce ne fut pas, toutefois, sans lancer contre Sam un déluge de menaces, que celui-ci recevait avec la plus grande tranquillité, se contentant de faire observer que si M. Namby voulait avoir la bonté de remettre son chapeau sur sa tête, il le lui enverrait aux grandes Indes. M. Namby, pensant qu’une telle opération produirait peut-être quelques inconvénients pour lui-même, ne voulut pas exposer son adversaire à une trop forte tentation, et bientôt après appela Smouch. L’ayant informé que la capture était faite, et qu’il n’avait plus qu’à attendre jusqu’à ce que le prisonnier eût fini de s’habiller, Namby s’en fut en se pavanant et remonta dans son véhicule. Smouch ayant prié M. Pickwick de ne pas s’endormir, tira une chaise auprès de la porte et y resta assis jusqu’à ce que notre héros eût fini de s’habiller. Sam fut alors dépêché pour amener une voiture de place, dans laquelle le triumvirat se rendit à Coleman-Street. Le trajet n’était pas long, heureusement ; car, outre que M. Smouch n’était pas doué d’une conversation fort enchanteresse, sa société était rendue décidément désagréable, dans un espace limité, par la faiblesse physique à laquelle nous avons fait allusion plus haut.

La voiture ayant tourné dans une rue très-sombre et très-étroite, s’arrêta devant une maison dont toutes les fenêtres étaient grillées. La muraille en était décorée du nom et du titre de Namby, officier des shérifs de Londres. La porte intérieure ayant été ouverte, au moyen d’une énorme clef, par un gentleman qui pouvait passer pour un frère jumeau négligé de M. Smouch, M. Pickwick fut introduit dans la salle du café.

Cette salle du café était principalement remarquable par du sable frais, qui jonchait le plancher, et par une odeur de tabac qui parfumait l’air. M. Pickwick salua en entrant, trois