Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gauche, une enceinte pour les débiteurs insolvables ; et en face, un plan incliné de figures spécialement malpropres. Ces gentlemen en perruque sont les commissaires de la Cour des insolvables, et l’endroit où ils siégent est la Cour des insolvables elle-même.

Depuis un temps immémorial, c’est le remarquable destin de cette cour d’être regardée, par le consentement universel de tous les gens râpés de Londres, comme leur lieu de refuge habituel pendant le jour. La salle est toujours pleine ; les vapeurs de la bière et des spiritueux montent constamment vers le plafond, s’y condensent par le froid et redescendent comme une pluie le long des murs. Là, se trouvent à la fois plus de vieux habits que n’en mettent en vente durant tout un an les juifs du quartier de Houndsditch, et plus de peaux crasseuses, plus de barbes longues, que toutes les pompes et les boutiques de barbiers situées entre Tyburn et Whitechapel n’en pourraient nettoyer entre le lever et le coucher du soleil.

Il ne faut pas supposer que quelques-uns de ces individus aient l’ombre d’une affaire dans l’endroit où ils se rendent si assidûment ; s’ils en avaient, leur présence ne serait plus surprenante, et la singularité de la chose cesserait immédiatement. Quelques-uns dorment pendant la plus grande partie de la séance ; d’autres apportent leur dîner dans leur mouchoir, ou dans leur poche déchirée, et mangent tout en écoutant, avec un double délice : mais jamais un seul d’entre eux ne fut connu pour avoir le plus léger intérêt personnel dans aucune des affaires traitées par la cour. Quelle que soit la manière dont ils occupent leur temps, ils restent là, tous, depuis le commencement jusqu’à la fin de la séance. Quand il pleut, ils arrivent tout trempés, et alors, les vapeurs qui s’élèvent de l’audience ressemblent à celles d’un marais.

Un observateur qui se trouverait là par hasard pourrait imaginer que c’est un temple élevé au génie de la pauvreté râpée. Il n’y a pas un seul messager, pas un huissier qui porte un habit fait pour lui ; il n’y a pas dans tout l’établissement un seul homme passablement frais et bien portant, si ce n’est un petit huissier aux cheveux blancs, à la figure rougeaude ; et encore, comme une cerise à l’eau-de-vie mal conservée, il semble avoir été desséché par un procédé artificiel dont il n’a pas le droit de tirer vanité. Enfin les perruques des avocats eux-mêmes sont mal poudrées et mal frisées.

Mais, après tout, les avoués qui siégent derrière une vaste