Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/213

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mémoire de mon noble ami. Vous m’excuserez, gentlemen, j’avais été imprudent… Je sens que je n’ai pas le droit de parler de cette matière sans son consentement. Je vous remercie, monsieur, de m’en avoir fait souvenir. »

M. Pell, ainsi dégagé, fourra ses mains dans ses poches, fit résonner avec une détermination terrible trois demi-pence qui s’y trouvaient, et fronça le sourcil en regardant autour de lui.

Il venait à peine d’exprimer sa vertueuse résolution, lorsque le galopin et le sac bleu, deux inséparables compagnons, se précipitèrent dans la chambre et dirent (ou du moins le galopin dit, car le sac bleu ne prit aucune part à cette annonce) que la cause allait passer à l’instant. Toute la compagnie se hâta aussitôt de traverser la rue et de faire le coup de poing pour pénétrer dans la salle, cérémonie préparatoire qui, dans les cas ordinaires, a été calculée durer de vingt-cinq à trente minutes.

M. Weller, qui était puissant, se jeta tout d’abord au milieu de la foule dans l’espérance d’arriver, à la fin, dans quelque endroit qui lui conviendrait ; mais le succès ne répondit pas entièrement à son attente, et son chapeau, qu’il avait négligé d’ôter, fut tout à coup enfoncé sur ses yeux par une personne invisible, dont il avait pesamment froissé les orteils. Cet individu regretta apparemment son impétuosité, car l’instant d’après, murmurant une indistincte exclamation de surprise, il entraîna le gros homme dans la salle, et, avec de violents efforts, le débarrassa de son chapeau.

« Samivel ! » s’écria M. Weller, quand il lui fut possible de voir la lumière.

Sam fit un signe de tête.

« Tu es un fils bien affectionné, bien soumis ? Coiffer com’ ça ton père dans sa vieillesse !

— Comment pouvais-je savoir que c’était vous ? Est-ce que vous croyez que je peux vous reconnaître au poids de votre pied ?

— Ha ! c’est vrai, Samivel, repartit M. Weller immédiatement amolli. Mais qu’est-ce que tu fais ici ? Ton gouverneur ne peut rien gagner ici, Sammy. I’ ne passeront pas le verdict, Sammy ; i’ ne l’ passeront pas. Et M. Weller secouait la tête avec une gravité toute judiciaire.

— Quelle vieille caboche obstinée ! s’écria Sam. Toujours avec les verdicts et les allébis, et tout ça. Qu’est-ce qui vous parle de verdicts ? »