Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/225

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wick, affecté au plus haut point, par le dénoûment tragique de la narration.

— Pourquoi, monsieur ? pour prouver son grand principe, que les crumpets sont une nourriture saine, et pour faire voir qu’il ne voulait se laisser mener par personne. »

C’est par de tels artifices oratoires que Sam éluda les questions de son maître, pendant le premier soir de sa résidence à la flotte. À la fin, voyant que toute remontrance était inutile M. Pickwick consentit, quoiqu’avec regret, à ce qu’il se logeât, à tant la semaine, chez un savetier chauve qui occupait une petite chambre dans l’une des galeries supérieures. Sam porta dans cet humble appartement, un matelas, une couverture et des draps loués à M. Roker, et lorsqu’il s’étendit sur ce lit improvisé, il y était aussi à son aise que s’il avait été élevé dans la prison, et que toute sa famille y eût végété depuis trois générations.

« Fumez-vous toujours après que vous êtes couché, vieux coq ? demanda Sam à son hôte, lorsque l’un et l’autre se furent placés horizontalement pour la nuit.

— Oui, toujours, jeune cochinchinois, répondit le savetier.

— Voulez-vous me permettre de vous demander pourquoi vous faites votre lit sous la table ?

— Parce que j’ai toujours été z’habitué à un baldaquin, avant de venir ici, et je trouve que la table fait juste le même effet.

— Vous avez un fameux caractère, monsieur[1], dit Sam.

— Je n’en sais rien, répondit le savetier, en secouant la tête ; mais si vous voulez en trouver un bon, je crains que vous n’ayez de la peine dans cet établissement ici. »

Pendant ce dialogue, Sam était étendu sur son matelas, à une extrémité de la chambre, et le savetier sur le sien, à l’autre extrémité. L’appartement était illuminé par la lumière d’une chandelle, et par la pipe du savetier qui luisait sous la table comme un charbon ardent. Toute courte qu’eût été cette conversation, elle avait singulièrement prédisposé Sam en faveur de son hôte. En conséquence il se souleva sur son coude, et se mit à l’examiner plus soigneusement qu’il n’avait eu jusqu’alors le temps, ou l’envie de le faire.

C’était un homme blême, tous les savetiers le sont. Il avait une barbe rude et hérissée, tous les savetiers l’ont ainsi ; son

  1. Jeu de mots : caractère, en anglais, veut dire à la fois un original, et un certificat de bonne conduite. (Note du traducteur.)