Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/24

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guer les secrets de la boutique, puis il répondit d’un air jovial :

« Peux pas dire… Sais pas.

— Pour quelle autre raison, monsieur, ces citations leur auraient-elles été remises ?

— Votre souricière est très-bonne, monsieur Pickwick, répliqua Jackson en secouant la tête ; mais je ne donne pas dans le panneau. Il n’y a pas de mal à essayer, mais il n’y a pas grand’chose à tirer de moi. »

En parlant ainsi, M. Jackson accorda un nouveau sourire à la compagnie ; et, appliquant son pouce gauche au bout de son nez, fit tourner avec sa main droite un moulin à café imaginaire, accomplissant ainsi une gracieuse pantomime, fort en vogue à cette époque, mais par malheur presque oubliée maintenant, et que l’on appelait faire le moulin.

« Non, non, monsieur Pickwick, dit-il comme conclusion. Les gens de Perker prendront la peine de deviner pourquoi nous avons lancé ces citations ; s’ils ne le peuvent pas, ils n’ont qu’à attendre jusqu’à ce que l’action arrive, et ils le sauront alors. »

M. Pickwick jeta un regard de dégoût excessif à son malencontreux visiteur, et aurait probablement accumulé d’effroyables anathèmes sur la tête de MM. Dodson et Fogg, s’il n’en avait pas été empêché par l’arrivée de Sam.

« Samuel Weller ? dit M. Jackson interrogativement.

— Une des plus grandes vérités que vous ayez dites depuis bien longtemps, répondit Sam d’un air fort tranquille.

— Voici un sub pœna pour vous, monsieur Weller ?

— Qu’est-ce que c’est que ça, en anglais ?

— Voici l’original, poursuivit Jackson, sans vouloir donner d’autre explication.

— Lequel ?

— Ceci, répliqua Jackson en secouant le parchemin.

— Ah ! c’est ça l’original ? Eh bien ! je suis charmé d’avoir vu l’original ; c’est un spectacle bien agréable et qui me réjouit beaucoup l’esprit.

— Et voici le shilling : c’est de la part de Dodson et Fogg.

— Et c’est bien gentil de la part de Dodson et Fogg, qui me connaissent si peu, de m’envoyer un cadeau. Voilà ce que j’appelle une fière politesse, monsieur. C’est très-honorable pour eux de récompenser comme ça le mérite où il se trouve ; m’en voilà tout ému. »