Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sence d’esprit. Ne voyez-vous pas que vous avez attrapé le gentleman ?

— Je ne l’ai pas fait exprès, Sammy, répondit M. Weller, un peu démonté par cet incident inattendu.

— Monsieur, dit Sam au révérend Stiggins, qui frottait sa tête d’un air dolent, essayez une application intérieure. Comment trouvez-vous cela pour une vanité, monsieur ? »

M. Stiggins ne fit pas de réponse verbale, mais ses manières étaient expressives : il goûta le contenu du verre que Sam avait placé devant lui, posa son parapluie par terre, sirota de nouveau un peu de liqueur, en passant doucement la main sur son estomac ; puis enfin, avala tout le reste, d’un seul trait, et faisant claquer ses lèvres, tendit son verre pour en avoir une nouvelle dose.

Mme  Weller ne tarda pas non plus à rendre justice au vin chaud. La bonne dame avait commencé par protester qu’elle ne pouvait pas en prendre une goutte ; ensuite elle avait accepté une petite goutte ; puis une grosse goutte ; puis un grand nombre de gouttes ; et comme sa sensibilité était, apparemment, de la nature de ces substances qui se dissolvent dans l’esprit de vin, à chaque goutte de liqueur elle versait une larme ; si bien qu’à la fin elle arriva à un degré de misère tout à fait pathétique.

M. Weller manifestait un profond dégoût, en observant ces symptômes, et quand, après un second bol, M. Stiggins commença à soupirer d’une terrible manière, l’illustre cocher ne put s’empêcher d’exprimer sa désapprobation, en murmurant des phrases incohérentes, parmi lesquelles une colérique répétition du mot blague était seule perceptible à l’oreille.

« Samivel, mon garçon, chuchota-t-il enfin à son fils, après une longue contemplation de sa femme, et de l’homme au nez rouge, je vas te dire ce qui en est : faut qu’il y ait quelque chose de décroché dans l’intérieur de ta belle-mère et dans celui de M. Stiggins.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Je veux dire que tout ce qu’ils boivent, n’a pas l’air de les nourrir. Ça se change en eau chaude tout de suite, et ça vient couler par les yeux. Crois-moi, Sammy, c’est une infirmité constitutionnaire. »

M. Weller confirma cette opinion scientifique par un grand nombre de clins d’œil, et de signes de tête qui furent malheureusement remarqués par Mme  Weller. Cette aimable dame,