Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/252

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— Et il est fort avantageux, interrompit Sam ; car les guichetiers ont bien soin de faire saisir tous ceux qui font la fraude, et qui ne les payent point ; et quand ça arrive, ils sont loués dans les journaux pour leur vigilance ; de manière que ça fait d’une pierre deux coups ; ça empêche les autres de faire le commerce, et ça relève leur réputation.

— Voilà la chose, ajouta Job.

— Mais, dit M. Pickwick, est-ce qu’on ne visite jamais ces chambres pour savoir si elles contiennent des spiritueux ?

— Si, certainement, monsieur ; mais les guichetiers le savent d’avance ; ils préviennent les siffleurs, et alors va-t’en voir s’ils viennent, Jean ! L’inspecteur ne trouve rien. »

Tandis que Sam achevait ces explications, Job frappait à une porte qui fut immédiatement ouverte par un gentleman mal peigné, puis soigneusement refermée au verrou, quand la compagnie fut entrée ; après quoi le gentleman siffleur regarda les nouveaux venus en riant ; là-dessus Job se mit aussi à rire, autant en fit Sam ; et M. Pickwick, pensant qu’on en attendait sans doute autant de lui, prit un visage souriant, jusqu’à la fin de l’entrevue.

Le gentleman mal peigné parut comprendre parfaitement cette silencieuse manière d’entrer en affaires. Il aveignit de dessous son lit une bouteille de grès plate, qui pouvait contenir environ une couple de pintes, et remplit de genièvre trois verres, que Job et Sam dépêchèrent habilement.

« En voulez-vous encore, dit le gentleman siffleur.

— Non, merci, dit Job Trotter. »

M. Pickwick paya, la porte fut déverrouillée, et comme M. Roker passait en ce moment, le gentleman mal peigné lui fit un signe de tête amical.

En sortant de là, M. Pickwick erra dans les escaliers et le long des galeries, puis il fit encore une fois le tour de la maison.

À chaque pas, dans chaque personne, il lui semblait voir Mivins et Smangle, et le vicaire, et le boucher, car toute la population paraissait composée d’individus d’une seule espèce. C’était la même malpropreté, le même tumulte, le même remue-ménage, les mêmes symptômes caractéristiques dans tous les coins, dans les meilleurs comme dans les pires. Il y avait partout quelque chose de turbulent et d’inquiet, et l’on voyait toutes sortes de gens se rassembler et se séparer, comme on voit passer des ombres dans les rêves d’une nuit agitée.