Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/264

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la rue, tantôt sur le trottoir, tantôt dans le ruisseau, suivant l’endroit où il voyait le plus de chances d’avancer à travers la foule de voitures, d’hommes, de femmes et d’enfants qui encombraient cette longue rue, et sans se soucier d’aucune espèce d’obstacle. Il ne s’arrêta pas une seule seconde, tant qu’il n’eut pas atteint la porte de Gray’s Inn. Cependant, malgré toute sa diligence, il y avait une bonne demi-heure qu’elle était fermée ; lorsqu’il y arriva, et avant qu’il eût découvert la femme de ménage de M. Perker, laquelle vivait avec une de ses filles, mariée à un garçon de bureau, non résident, qui demeurait à un certain numéro, dans une certaine rue, tout auprès d’une certaine brasserie, quelque part derrière Gray’s Inn Lane, il ne s’en fallait plus que de quinze minutes que la prison fût fermée pour la nuit. Il était encore nécessaire de déterrer M. Lowten dans l’arrière-parloir de la Pie et la Souche, et Job lui avait à peine communiqué le message de Sam, lorsque l’horloge sonna dix heures.

« Ah ! ah ! dit Lowten ; vous ne pourrez pas rentrer cette nuit, il est trop tard. Vous avez pris la clef des champs, mon ami.

— Ne vous occupez pas de moi, répliqua Job. Je puis dormir n’importe où ; mais ne serait-il pas bon de voir M. Perker ce soir pour qu’il puisse faire notre affaire demain, dès le matin.

— Voyez-vous, répondit Lowten après avoir réfléchi pendant quelques instants ; si c’était pour toute autre personne, Perker ne serait pas bien charmé que j’allasse le relancer chez lui ; mais comme c’est pour M. Pickwick, je pense que je puis me permettre le cabriolet aux frais de l’étude, pour l’aller trouver. »

S’étant décidé à suivre cette marche, M. Lowten prit son chapeau, pria la compagnie de faire occuper le fauteuil par un vice-président, durant son absence temporaire, conduisit Job à la place de voitures la plus voisine, et choisissant la plus rapide en apparence, donna au cocher cette adresse : Montague-Place, Russell-Square.

M. Perker avait eu du monde à dîner, comme le témoignaient les lumières qu’on apercevait aux fenêtres, le son d’un piano carré perfectionné et d’une voix de salon perfectionnable, qui s’échappaient des mêmes fenêtres, et l’odeur, un peu trop forte de victuaille, qui remplissait les escaliers. Le fait est qu’une couple d’excellents agents d’affaires de province, étant venus à Londres, en même temps, M. Perker avait réuni, pour les recevoir, une agréable société. C’étaient M. Snicks, le secré-