Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/288

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ment de raconter au jovial vieillard quelque histoire étonnante, car celui-ci laissait encore échapper de ses lèvres des exclamations de surprise. « Eh bien, je n’aurais pas cru ça ! c’est la plus étrange chose que j’aie jamais entendu dire ! Je ne pensais pas que ce fut possible ! »

« Serviteur, monsieur, dit le borgne à M. Pickwick ; une jolie soirée, monsieur.

— Très-belle, » répondit le philosophe ; et il s’occupa à mélanger l’eau-de-vie et l’eau chaude que le garçon avait placées devant lui. Le borgne le regardait avec attention et lui dit enfin :

« Je crois que je vous ai déjà rencontré.

— Je ne m’en souviens pas.

— Cela ne m’étonne pas, vous ne me connaissiez pas. Mais moi je connaissais deux de vos amis qui restaient au Paon d’argent à Eatanswill, à l’époque des élections.

— Oh ! en vérité.

— Oui ; je leur ai raconté une petite aventure qui était arrivée à un de mes amis nommé Tom Smart. Peut-être que vous leur en aurez entendu parler ?

— Souvent, dit M. Pickwick en souriant. Il était votre oncle, je pense.

— Non, non, seulement un ami de mon oncle.

— Malgré ça, c’était un homme bien étonnant que votre oncle, dit l’aubergiste en branlant la tête.

— Eh ! eh ! je le crois bien, répliqua le borgne. Je pourrais vous rapporter une histoire de ce même oncle, qui vous étonnerait peut-être un peu, gentlemen.

— Racontez-la nous, je vous en supplie, dit M. Pickwick avec empressement. »

Le borgne tira du bol un verre de vin chaud et le but ; prit une bonne bouffée de fumée dans la pipe hollandaise, et voyant que Sam lanternait autour de la porte, lui dit qu’il pouvait rester s’il voulait, et qu’il n’y avait rien de secret dans son histoire. Enfin, fixant son œil unique sur l’aubergiste, il commença dans les termes du chapitre suivant.