Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/307

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— Tout va bien, tout va bien cria Bob en paraissant soudainement sur le pas de sa porte, avec un petit havresac de cuir, vieux et malpropre, dans une main, et dans l’autre une grosse redingote et un châle. Je m’embarque, vieux.

— Vous ?

— Oui, et nous allons faire une véritable expédition. Hé ! Sam, à vous ! Ayant ainsi brièvement éveillé l’attention de Sam Welter, dont la physionomie exprimait beaucoup d’admiration pour ce procédé expéditif, Bob lui lança son havresac, qui fut immédiatement logé dans le siége. Cela fait, ledit Bob, avec l’assistance du gamin, s’introduisit de force dans la redingote, beaucoup trop petite pour lui, et, s’approchant de la portière du carrosse, y fourra sa tête, et se prit à rire bruyamment.

« Quelle bonne farce ! dit-il en essuyant avec son parement les larmes qui tombaient de ses yeux.

— Mon cher monsieur, répliqua M. Pickwick, avec quelque embarras, je n’avais pas la moindre idée que vous nous accompagneriez.

— Justement ; voilà le bon de la chose.

— Ah ! voilà le bon de la chose ? répéta M. Pickwick, dubitativement.

— Sans doute : outre le plaisir de laisser la pharmacie se tirer d’affaire toute seule, puisqu’elle parait bien décidée à ne pas se tirer d’affaire avec moi. »

Ayant ainsi expliqué le phénomène des volets, M. Sawyer retomba dans une extase de joie.

« Quoi vous seriez assez fou pour laisser vos malades sans médecin ? dit M. Pickwick d’un ton sérieux.

— Pourquoi pas ? répliqua Bob. J’y gagnerai encore ; il n’y en a pas un qui me paye. Et puis, ajouta-t-il en baissant la voix jusqu’à un chuchotement confidentiel, ils y gagneront aussi ; car, n’ayant presque plus de médicaments, et ne pouvant pas les remplacer dans ce moment-ci, j’aurais été obligé de leur donner à tous du calomel ; ce qui aurait pu mal réussir à quelques-uns. Ainsi, tout est pour le mieux. »

Il y avait dans cette réponse une force de raisonnement et de philosophie à laquelle M. Pickwick ne s’attendait point. Il réfléchit pendant quelques instants, et dit ensuite, d’une manière moins ferme toutefois :

« Mais cette chaise, mon jeune ami, cette chaise ne peut contenir que deux personnes, et je l’ai promise à M. Allen.