Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/340

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

questions préliminaires, Sam entra doucement et aperçut bientôt le respectable auteur de ses jours.

Le veuf était assis près d’une petite table dans le cabinet situé derrière le comptoir. Il fumait sa pipe et ses yeux étaient attentivement fixés sur le feu. Les funérailles avaient évidemment eu lieu le jour même, car une grande bande de crêpe noir d’environ une aune et demie était encore attachée à son chapeau qu’il avait gardé sur sa tête, et, passant par-dessus le dossier de sa chaise, descendait négligemment jusqu’à terre. M. Weller était dans une disposition si contemplative que Sam l’appela vainement plusieurs fois par son nom ; il continua de fumer avec la même physionomie calme et immobile jusqu’au moment où son fils le réveilla définitivement en posant la main sur son épaule.

« Sammy, dit M. Weller, tu es le bienvenu.

— Je vous ai appelé une demi-douzaine de fois, répondit Sam en accrochant son chapeau à une patère ; mais vous ne m’entendiez pas.

— C’est vrai, répliqua M. Weller en regardant encore le feu d’une manière pensive ; j’étais dans une rêverri, Sammy.

— Qu’est-ce que ça ? demanda Sam, en tirant une chaise près du foyer.

— Je pensais à elle. » En disant ces mots, le veuf inclina sa tête du côté du cimetière de Dorking, pour indiquer que ses paroles se rapportaient à la défunte Mme Weller. « Je pensais, poursuivit-il en regardant fixement son fils par-dessus sa pipe, comme pour l’assurer que la déclaration qu’il allait entendre, tout extraordinaire, tout incroyable qu’elle fût, était proférée avec calme et réflexion, je pensais qu’après tout, je suis très-fâché qu’elle est partie.

— Eh bien ! vous devez l’être. »

M. Weller fit un signe d’assentiment, et fixant de nouveau ses yeux sur le feu, s’enveloppa dans un nuage de fumée et de réflexions.

Après un long silence, il reprit, en chassant la fumée avec sa main :

« C’est des observations très-raisonnables qu’elle m’a fait, Sammy.

— Quelles observations ?

— Celles qu’elle m’a faites quand elle a été malade.

— Qu’est-ce que c’était ?

— Quelque chose comme ceci : « Weller, qu’elle dit, j’ai peur