Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/378

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— Pas un brin, Sammy. Nous étions en train d’ajuster nos petits différents, et je la remontais, et je l’engageais à se remettre sur pieds, si bien que j’ai oublié de lui parler de cela. Ensuite, je ne sais pas trop si j’en aurais parlé, quand même je m’en serais souvenu, car c’est une drôle de chose, Sammy, de tourmenter quelqu’un pour sa propriété, quand vous l’assistez dans une maladie. C’est comme si vous mettiez la main dans la poche d’un voyageur de l’impériale, qui a été jeté par terre, pendant que vous l’aidez à se relever, et que vous lui demandez, avec un soupir, comment il se porte. »

Après avoir donné cette illustration figurée de sa pensée, M. Weller ouvrit son portefeuille, et en tira une feuille de papier à lettre, passablement malpropre, et sur laquelle étaient inscrits divers caractères, amoncelés dans une remarquable confusion.

« Voilà ici le document, Sammy ; je l’ai trouvé dans la petite théière noire, sur la planche de l’armoire du comptoir. C’est là qu’elle mettait ses bank-notes avant d’être mariée, Sammy ; j’y en ai vu prendre bien des fois. Pauvre créature ! elle aurait pu remplir de testaments toutes les théières de la maison, sans se gêner beaucoup, car elle ne prenait guère de cette boisson-là dans les derniers temps, excepté dans les soirées de tempérance, ous-ce qu’elle mettait une fondation de thé pour poser les esprits par-dessus.

— Qu’est-ce qu’il dit ? demanda Sam.

— Juste ce que je t’ai raconté, mon garçon : deux cents livres sterling dans les fontes, à mon beau-fils Samivel, et tout le reste de mes propriétés de toute sorte à mon mari, M. Tony Veller, que je nomme mon seul équateur.

— Est-ce tout ?

— C’est tout. Et comme c’est clair et satisfaisant pour vous et pour moi, qui sont les seules parties intéressées, je suppose que nous pourrons aussi bien mettre ce morceau de papier ici dans le feu.

— Qu’est-ce que vous allez faire, lunatique ? s’écria Sam en saisissant le testament, tandis que son père attisait innocemment le feu avant de l’y jeter. Vous êtes un joli exécuteur, véritablement.

— Pourquoi pas ? demanda M. Weller en se retournant d’un air sévère, avec le fourgon dans sa main.

— Pourquoi pas ! Parce qu’il faut qu’il soit égalisé, et falziflé, et juré, et toutes sortes de manières de formalités.